Photos Guy Vivien
Qui est fou ?
Création en janvier 2002 au Moulin du Roc, Niort, et au Grand Théâtre de Reims
Pour six voix, dix musicien.n.es, deux acrobates et un VJ
Argument
Un homme meurt assassiné. Il dirigeait une multinationale et s’opposait à une OPA initiée par une société rivale. Une juge enquête sur le meurtre. Elle procède à l’interview des témoins, elle les confronte, examine les lieux et recherche les mobiles. Son enquête la conduit au cœur des milieux économiques. Douze scènes et un intermède font alterner témoignages, confessions, dissimulations et accusations. Chacun, tour à tour, va esquisser un portrait de la victime, donner sa version du meurtre. Qui sont les personnages de ces douze tableaux ? Des collaborateurs de la victime, ses rivaux, son meilleur ami… Des individus peu fréquentables : deux hommes de main, principaux suspects. Peu à peu, la juge en vient à soupçonner un complot. Et c’en est un, durant la dernière scène, après une succession d’indices concordants, elle démasque les coupables.
Presse
Le Monde, 31 janvier 2002
Le « songspiel » de Ribac et Schwabe
Querelles et trahisons au sein d’une multinationale. Le corps du dirigeant Chris Danford remonte des eaux boueuses. Suicide, meurtre ? Une juge d’instruction enquête auprès de ceux qui auraient pu avoir intérêt à cette disparition, une femme et deux hommes. Grâce à un jeune génie du décryptage des mémoires d’ordinateur, un semblant d’explication sera mis au jour. Voilà pour la trame de Qui est fou ?, de la Compagnie Ribac-Schwabe, « opéra-pop » mis en scène par François Abou Salem pour six voix, dix musiciens (l’excellent Herméneutique Orchestra), deux acrobates et un VJ, l’équivalent pour la vidéo des DJ de la scène techno.
Créé et coproduit par le Moulin du Roc – Scène nationale de Niort – et l’Opéra-Grand Théâtre de Reims saluons d’emblée cette institution pour cela -, à la mi-janvier, Qui est fou ? rappelle la forme du songspiel, le théâtre chanté de Bertolt Brecht et Kurt Weill. Comme eux, le compositeur-bassiste François Ribac et la chanteuse-comédienne Eva Schwabe s’intéressent aux faits de notre présent. Loin du manichéisme benêt à la Starmania, les méchants de Qui est fou ? ne sont pas que « très » méchants, la victime ou la juge ne sont pas que des âmes pures. Au spectateur, par l’écoute des chansons et certains éléments de mise en scène, d’exercer sa capacité de jugement. Ribac a écrit une partition inventive et fluide qui va et vient dans le jazz, la pop, la chanson, les relations de sonorités acoustiques et électriques, avec toujours en vue la clarté mélodique magnifiée par certains expérimentateurs des années 1960 et 1970 (écoles Carnaby Street, Soft Machine/Caravan, psychédélisme américain, scène allemande…) et que le rock actuel redécouvre (High Llamas par exemple). Les textes du livret sont signés principalement par Marie-Claire Pasquier, Hervé Le Tellier, Ribac et Schwabe, avec des emprunts à Rainer Maria Rilke ou William Blake.
Des mots en français, anglais et allemand qui collent exactement à la diversité des timbres et au débit des voix. Eva Schwabe (la juge) vient plutôt du lyrique et du cabaret. Sa description, en allemand, du cadavre est un moment de pure grâce horrifique. Marie-Jeanne Iché (présidente d’une société rivale) part de l’improvisation jazz et rock pour tendre au lyrique. Un doublé mis en valeur lors d’un porté par les acrobates ou l’affrontement avec la juge. Cathal Coughlan (rock-star, ami ou ennemi de Danford) dégage cette puissance hantée des Britanniques aux marges. François Gauthier (manipulateur ou manipulé), baryton-basse, vient de l’opéra. Quant à Jamil Gaspar, 11 ans, son sens du placement est une leçon pour la « Star Academy ».
La mise en scène a minima de François Abou Salem gère les déplacements des personnages comme au jeu d’échecs. Il y manque un peu de lisibilité, surtout pour les deux acrobates-tueurs à gages, dont les beaux mouvements tiennent surtout du décoratif. Des phrases, photographies ou films sont projetés sur un grand écran. C’est de là qu’apparaît le mort, interprété par Martin Newell. Cadeau ultime de Qui est fou ?, Newell est un proche d’Andy Partridge et Colin Moulding, le duo pop XTC. Physiquement absent mais étonnamment présent, par la force créative de Ribac.
Sylvain Siclier
Les INROCKUPTIBLES
semaine du 15 au 22 janvier
Le compositeur contemporain François Ribac remet au goût du jour l’esprit du cabaret, cher à Weill et Brecht. La musique pop en prime.
LES RÊVES LES PLUS FOUS
Qui est Fou ? Pop opéra de la Compagnie Ribac Schwabe
Fan de Martin Newell, ce grand alchimist eméconnu d’une pop anglaise aux arômes subtils, François Ribac réalise aujourd’hui son rêve avec Qui est fou ?, son dernier spectacle, où le pop singer incarne avec brio une captivante “voix off ». Rien n’était gagné d’avance, à vouloir concilier son amour pour le minimalisme américain de Philip Glass et Steve Reich -reflété par ses précédents opéras de chambre Marguerite Ida et Helena Annabel, Un Demi-Siècle et Le Regard de Lyncée- avec celui d’une pop anglaise ciselée à l’extrême, entre XTC et les Highs Llamas. Venu du jazz et de l’électro-acoustique, aujourd’hui compositeur et bassiste, François rRbac a imaginé cette fois de confier sa musique non pas à un unique clavier électronique mais à un ensemble d dix musiciens, l très énergique Herméneutique orchestra. Chargé d’offrir un soutien efficace à cinq chanteurs, parmi lesquels la comédienne Eva Schwabe, compagne de Ribac (et protagoniste de leurs précédents Marguerite Ida et Helena Annabel et Un Demi-Siècle), et l’irlandais Cathal Coughlan, seconde pointure pop avec newel et figure charismatique à la voix capiteuse du défnut Microdisney, ce groupe d’un nouveau genre pousse avec opiniâtreté sa mécanique bien huilée. » En réalité, je voulais écrire une comédie musicale, constituée de songs, précise Ribac, qui réunirait à la fois l’idée de la tradition pop anglaise et celle de la miniature, dans l’esprit des mélodies composées par Brecht et Weill. J’ai voulu que la narration passe aussi par le corps: donc dans la mise en scène de François Abou Salem, on trouve également deux acrobates. »
Réputé pour la fantaisie et l’imagination débordante de ses spectacles, François Abou Salem, metteur en scène de Qui est Fou ?, a rencontré là un musicien qui associe l’art vocal à l’image. » C’est un langage constitutif des générations nées aux alentours des années 50 et 60, renchérit le musicien. jJaime l’esprit de la performance américaine, où la musique est l’un des éléments de réflexion de l’artiste. Par exemple lorsque le temps se ralentit, lorsque le geste sur scène se raréfie, du coup l’attention se reporte entièrement sur la musique- ce qui est particulièrement sensible chez Meredith Monk, Robert ashley ou Laurie Anderson. Pour Qui est fou ?, j’ai conçu avec Eva Schwabe une série d’histoires qui déterminent la direction générale del’ensemble ; le nombre de chanteurs, de comédiens, la prépondérance de certains rôles, l’emploi de la vidéo etc… »
Avec Qui est fou ?, François Ribac conjugue l’esprit du cabaret avec celui de la musique pop. Il électrifie la formation traditionnelle de ce type de musique apparu au cours des années 20, amplifiant cordes et vents, renforçant la percussion, le tout propulsé par la guitare et la basse électriques ; la voix en sort régénérée, lavée de l’encombrant vibrato et de tout affect, lyrique et pure.
Franck Mallet
En tournée à Reims (Opéra) le 18 janvier, au Blanc-Mesnil (Forum Culturel), le 1er février à Arlon (Maison de la Culture), Belgique, le 14 février : et à Esh sur Alzette (Théâtre) Luxembourg le 16 février.
CD maxi single Muséa.