Photos Guy Vivien
Cabaret Berlin – Paris
Chansons de Kurt Weill, Hanns Eisler et François Ribac interprétées en français, allemand et anglais.
Créé en 1994 au foyer du Théâtre National de Chaillot (Paris)
Argument
Les chansons du cabaret d’Eva Schwabe ont, pour la plupart, été écrites dans les années 1920. A cette époque, Berlin est le foyer d’une intense créativité dans tous les domaines artistiques : après le traumatisme de la première guerre mondiale et des bouleversements politiques incessants, la jeune génération artistique cherche de nouvelles formes, concises et ironiques, novatrices et accessibles. Ces artistes veulent rompre avec le cérémonial du théâtre académique et “bourgeois”.
Le poète Bertolt Brecht et le compositeur Kurt Weill s’associent et révolutionnent l’opéra avec l’Opéra de Quatre Sous. Ils inventent ce que le philosophe Ernst Bloch appellera l’art de la rengaine : Brecht écrit sur la métropole, ses nouveaux mythes et la misère qui y règne. Ses personnages, loin des romances et du kitsch, sont des figures réelles : serveuses de bar, matelots, marchands d’alcool, soldats de l’Armée du Salut, prostituées etc…
Les partitions de Kurt Weill mélangent la musique savante et les rythmes populaires, les fanfares et l’orchestre à cordes classique. Weill est un mélodiste exceptionnel et on ne connait pas assez souvent les chansons qu’il composa, lors de son exil à Paris, avec les auteurs Maurice Magre et Jacques Deval.
Autre collaborateur de Brecht, Hanns Eisler a également contribué à la naissance d’un nouveau genre : le cabaret politique. Après l’avènement du nazisme en Allemagne, il émigre aux USA, s’installe à Hollywood et écrit pour le cinéma. Il y compose un cycle intitulé Hollywood Elegies qui décrit avec amertume et férocité le monde factice des studios.
Ce Cabaret comprend également des songs écrites par François Ribac pour Eva Schwabe et ses musiciens.
Presse
Les INROCKUPTIBLES
semaine du 20 au 26 mai 1998. n°152
HANNS EISLER
Songs et Lieder
Eva Schwabe (chant)
Christopher Bjurstrôm (piano) en concert
En Allemagne -et au Goethe Institut pour la France -, on fête cette année le centenaire de la naissance de Bertolt Brecht et du compositeur Hanns Eisler, tous deux nés en 1898. Lorsqu’on évoque le Brecht parolier, on pense avant tout à son association avec Kurt Weil qui donna Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny, l’Opéra de Quat’ sous et les Sept pêchés capitaux. Mais il ne faudrait surtout pas oublier Eisler, avec qui le dramaturge collabora à l’époque de la République de Weimar, le musicien et l’écrivain se retrouvant à l’avant-garde artistique et politique qui lutta contre la montée du nazisme. Avec Webern et Berg, Eisler est le troisième élève viennois d’Arnold Schönberg, et l’un des rares artistes à s’interroger sur la fonction sociale de la musique.
Compositeur protéiforme, il compose de nombreuses mélodies, des “cantates ouvrières” ainsi que des chants révolutionnaires et des partitions pour la scène et le cinéma. Si sa musique de chambre, voire ses œuvres symphoniques, témoigne à la fois de l’influence de son maître Schönberg et d’un style qui puise aux source populaires -le Septuor n°2 élaboré avec la complicité de Chaplin, à l’occasion du film Le Cirque-, en revanche ses mélodies et ballades pour chœur (Massenlieder) sont calquées sur le rythme déclamatoire des textes protestataires. Ce style tranché, vif, à l’harmonie simplifiée à l’extrême, séduisit aussitôt de nombreux interprètes qui, comme avec les chansons de Weill, se délectèrent de ce rythme enjoué et expressif, entre cabaret et jazz.
Fuyant l’Allemagne en 1933, Eisler se tourne vers le cinéma et signe plus de 25 partitions pour, entre autres, Fritz Lang (Les bourreaux meurent aussi), Jacques Feyder (Le grand jeu), Jean Renoir (La femme sur la plage) et ALain Resnais (Nuit et brouillard).
Ses pertinentes réflexions ont été publiées sous les titres Musique de Cinéma (avec Adorno, L’arche 1972) et Musique et Société, et réunies à l’occasion du centenaire par Albrecht Betz (Maison des Sciences de l’Homme, 1998). Interprète privilégiée de Weill et Eisler, Eva Schwabe est de ces très rares chanteuses qui possèdent ce style cabaret, idéal dans ce répertoire.
Franck Mallet
Le 25 mai (21 h) au Goethe Institut, 17 avenue d’Iena Paris XVIe.